La vie est parfois (?) étrange. L'autre jour, j'ai assisté à une confrontation qui ne disait pas son nom, entre une mère de deux enfants accablée de ne pas pouvoir agrandir encore la famille et une adoptante pour cause d'impossibilité de faire un enfant par elle-même.
La scène, déjà touchante ou interpellante, a encore reçu un écho plus particulier ce jour-là. Je sortais en effet d'un entretien au boulot destiné à cerner mon profil, mes attentes par rapport au boulot et ma perception de l'entreprise. J'avais indiqué ne pas envisager pour l'instant la possibilité même d'avoir des enfants. Dire que je me suis repassé l'entretien dans ma tête une ou deux fois serait loin de la vérité: deux jours après, je continue à y réfléchir intensivement, à me poser des questions sur les réponses que j'ai données. J'y reviendrai sans doute, mais fermons pour le moment cette parenthèse.
Je me suis donc retrouvée face à la souffrance d'une mère de famille-pas-encore-qualifiée-de-nombreuse qui, pour des raisons médicales, voit son rêve d'agrandir encore la famille pour en faire une tribu s'évaporer. Et elle souffre de l'indifférence de son entourage: après tout, deux enfants, c'est mieux que rien, non?
C'est d'ailleurs ce que lui a asséné l'autre femme, celle qui a dû faire son deuil d'un enfant à elle et s'est tournée vers l'adoption. "Attends! De quoi tu te plains?? Tu as deux enfants!", l'a-t-elle morigénée. Sous-entendu: moi, avec deux enfants à moi, je ne me plaindrais pas. Cette scène de deux souffrances différentes et communes m'a paru d'une violence inouïe.
Je respecte (j'admire?) ces femmes qui savent très tôt que ce qu'elles veulent, c'est être mère. Mère avant tout, l'épanouissement par les enfants avant celui par le travail. Ma mère en fait partie. Elle a eu cinq filles (cinq filles?? oui, cinq filles :-) ) et ce n'était pas "encore un essai pour faire un petit gars". Non, c'était juste la volonté d'avoir beaucoup d'enfants. Dans ma famille élargie, plusieurs cousins ont fait le choix aussi d'avoir une famille nombreuse (quatre enfants, ça commence à compter, non? ;-) ), parfois malgré les difficultés physiques des grossesses.
En les respectadmirant, je crois que je suis dans la "norme". Ces mères de familles nombreuses forcent l'admiration et une forme d'effroi ("je me demande comment elles font, moi, en tout cas, je pourrais pas..."). Mais ce sont les "sans" qui dérangent, les "childless" (pas voulu) ou les childfree (total assumé). C'est pas pour rien que la première question, aux fêtes de famille, fuse souvent "et vous? vous vous y mettez quand?". Au risque de blesser celles qui voudraient tellement s'y mettre mais n'y arrivent pas.
Moi, j'ai décidé que la question ne se posait pas (enfin, vous pouvez me la poser, mais la réponse est "en tout cas pas maintenant") parce que je n'ai pas envie d'être tiraillée entre mes enfants et mon boulot. Ne le nions pas, les femmes qui arrivent à laisser leur marmaille derrière elles sans culpabiliser pour aller travailler sont quand même plutôt rares. Quand ce n'est pas leur entourage professionnel ou familial qui se charge de leur rappeler à quel point elles feraient mieux de se dévouer à leur famille.
Je choisis de ne pas devoir choisir entre les deux, de ne pas devoir me partager, de ne pas faire de concessions.
Mais vous verrez, la question reviendra vite. Ne fut-ce que pour savoir si acheter une baraque avec plein de chambres a du sens si ya personne pour les remplir...
(je vous conseille évidemment la lecture d'Elisabeth Badinter et ses "l'Amour en plus" et "Le Conflit - la femme et la mère")
Et pour prolonger la réflexion:
RépondreSupprimerhttp://www.slate.fr/story/25253/enfants-pas-automatique
"L'appel de la matrice" relève bien souvent du conformisme social. Quand donc cessera-t-on de juger?
RépondreSupprimerpersonnellement, je ne veux pas d'enfant et ce que je crains le plus c'est que mes hormones se mettent en branle et que je ressente le manque d'enfant un jour (ou pire que j'en fasse un). par contre, je respecte tous les avis et je reconnais la souffrance des mères qui veulent agrandir la famille mais qui ne le peuvent pas (pour diverses raisons, ma soeur en fait partie d'ailleurs), des femmes qui veulent un enfant mais qui n'y arrive pas ou qui doivent remettre à plus tard. j'ai un peu plus de mal avec les mères qui se plaignent qu'elles ne s'en sortent pas mais bon, je fais des efforts :).
RépondreSupprimerchaque femme est différente, chaque mère est différente, chaque envie est différente.
C'est une question qui ne peut QUE éveiller des commentaires, parce que, comme le dit si justement annick - il y a quasimment autant de situations que de femmes: les sans par envie, les sans par choix, les sans par dépit, les avec "mais-pas-encore-assez", les avec qui adorent, les avec qui regrettent, les avec qui ne s'en sortent pas,... Et tout ça parce que nous avons la possibilité biologique de porter des enfants et de les mettre au monde! C'est magnifique et abyssal comme possibilité :-)
RépondreSupprimerEn ce qui me concerne, mon choix est une évidence. Mais je défends par dessus tout le droit de chaque femme de faire ce qu'elle veut de cette "possibilité"!
Naàlia
Je crois qu'il existe plus de critiques envers les femmes qui ne veulent pas d'enfants qu'envers celles qui en veulent, même quand elles en font pour de mauvaises raisons (La première d'entre elle étant "parce que c'est comme ça, c'est normal").
RépondreSupprimerUne des choses qui m'effraient vraiment est cette irrémédiabilité du choix: le gosse, pas moyen de le rendre, même s'il est souvent malade/est chiant/est laid/... ou si on se rend compte qu'en fait, on n'est pas du tout fait pour ça.
Alors là, ma chère Sophie, je ne te donne pas tort. Et tu n'es pas la seule à avoir eu ce sentiment assez horrible (moi-même, dans mon "ancienne vie"... :-)): "Et si je regrette???" C'est la seule chose au monde qu'on ne peut jamais "rendre" (on peut l'abandonner, le quitter, le confier à qqd'autre, ...) mais le "mal" est fait :-) Voilà pourquoi j'estime qu'un doit rapeller aux filles/femmes qu'elles ont le droit de ne pas avoir envie, de ne pas aimer, de ne pas vouloir d'enfants! Et laisser celles que ça rend heureuses en faire autant qu'elles veulent! :-))
RépondreSupprimerNaàlia
A 23 ans j'ai ressenti l'envie d'être maman et je me suis sentie prête...Je pense que le fait de se poser des questions sur le fait de ne pas être sûre etc montre que ce n'est pas le bon moment...
RépondreSupprimerQuand au fait d'avoir plusieurs enfants, j'estime (c'est personnel) que pour mener une vie professionnelle, une vie de femme et une vie de mère avec un enfant c'est déjà bien suffisant...
Tu ne ressens jamais l'envie d'en faire "un petit deuxième"? J'ai pu observer chez certaines mamans d'un enfant une forme d'insouciance ("bah! si je tombe enceinte, même alors que c'est pas prévu, c'est pas grave, deux enfants, c'est bien") qui se transforme parfois en stress une fois le deuxième arrivé ("merde, maintenant, plus le droit +à l'erreur+, deux c'est amplement suffisant").
RépondreSupprimerCa alimente aussi ma réflexion...
Ca me rassure de pas être toute seule à me poser cette question!
RépondreSupprimerJe pense qu'il y a des femmes qui savent et d'autres pour qui ça n'est pas aussi tranché...
Je ne suis pas d'accord avec Anonyme "à 23ans." -> Se poser des questions signifie simplement qu'on ne prend pas la décision de donner la vie à la légère même si on en a envie car comme le dit Sophie, c'est irrémédiable!
C'est en tout cas une question complexe qui passionne et divise mais il est vrai que la société a tendance à juger (en mal) les femmmes qui n'en veulent pas...
J'en ai également fait 3 articles:
http://30ansoupresque.eklablog.com/leanne-a-30-ans-ou-presque-c231506
C'est vraiment (et encore) une belle réflexion. Il est vrai qu'actuellement, une femme peut choisir d'avoir ou pas un enfant (je parle bien sûr de quand tout va bien). Mais le regard de la société n'est pas toujours facile pour celles qui ont fait le choix de ne pas en avoir. A l'instar des célibataires d'ailleurs.
RépondreSupprimerEntre l'envie d'avoir un enfant et en avoir un, y a un fameux chemin. Comme tu le dis bien, Sophie, c'est irrémédiable.
Moi, j'ai fait le choix d'en avoir. Même si ça n'a pas été tout à fait évident pour moi de m'imaginer dans le rôle de "maman". Avant le premier, j'avais la trouille de ne pas être faite pour ça!!! Aujourd'hui, je me sens épanouie...
Quand à celles qui ont décidé de ne pas en avoir (ou pas maintenant), c'est une décision personnelle et tout aussi difficile que de prendre la décision d'en avoir un tout de suite! Et peu importe le regard des autres finalement. A chacun sa vie!
@Leanne: bonjour et bienvenue par ici! Je suis allée lire tes trois billets, ça résume bien la situation :-) (presque trente aussi, alors? Arghl)
RépondreSupprimer@Soph: d'abord merci :-) Comme le dit Pamina plus haut, il reste une grosse couche de conformisme social et de pression qui va avec (aaah! ces satanés sous-entendus "et vous, c'est pour quand?" "c'est vous les suivants, alors?" "on n'attend plus que vous...")
Et comme ceux qui regrettent leur vie d'avant-les-enfants n'osent pas trop le dire, parce que ça aussi c'est mal vu, on reste quand même dans une société qui valorise la maternité envers et contre tout.
Même si les mentalités évoluent petit à petit, il faut bien admettre que des gens qui jugent les choix de vie des autres et se sentent menacés par ces choix différents, il y en aura toujours...
Il y a encore 4 ans, quand on me parlait d'enfants, je répondais toujours "peut-être, mais dans dix ans au plus tôt!", et chaque année, je répetais "dans dix ans..."...
RépondreSupprimerJe dois avouée que contrairement à certaines amies, je n'ai jamais été "dingue" des bébés, à m'extasier devant chaussons et autres grenouillères...
Du coup, quand on a décidé avec mon mari d'avoir un enfant, il y a un an et demi environ, et que je suis tombée enceinte, j'avoue m'être posée beaucoup de questions "vais-je être une bonne mère?", "c'est normal que je ne m'extasie tjs pas devant le premier doudou qui passe?" et autres...
Finalement, les choses se font petit à petit, je ne pense pas que se poser des questions signifie qu'on est pas pretes, je pense au contraire que ça prouve qu'on ne fait pas les choses à la légère...
Mais je suis aussi opposée à cette pseudo dictature qui veut qu'on ait d'office des enfants. Chacun fait ce qui lui plait, pourquoi imposer telle ou telle vision de la vie?
J'ai quatre enfants, mais c'est un choix personnel. Et je n'aime pas qu'on me dise "alors, un petit 5e ?" parce que les gens se sentent toujours obligés de commenter, et que ce n'est pas parce qu'on a beaucoup d'enfants qu'on n'est plus qu'une mère...
RépondreSupprimerJ'en voulais 4, j'ai eu la chance d'y arriver, mais on est aussi jugé quand on a 4 gosses. Parce qu'on on n'est pas une "carrière woman", parce que c'est trop, qu'on ne peut pas partir en vacances comme tout le monde, qu'on ne peut pas payer le top à ses gosses (sauf si on a de gros revenus, ce qui n'est pas le cas).
Par contre, je trouve ça très très bien que des femmes choisissent de ne pas avoir d'enfants. Il n'a rien de plus pénible de voir certaines personnes qui ont eu des enfants pour faire "comme tout le monde" et qui tirent ça toutes leur vie comme un boulet. Je félicite toutes celles qui se posent des questions et assument leur différence.
@Cindy: c'est d'ailleurs sans doute pour ça que j'ai pas tilté quand tu as été "sous antibiotiques" pendant trois semaines, persuadée que j'étais que tu ne voulais pas d'enfants tout de suite! :-)
RépondreSupprimer@Anne: En fait, il n'y a visiblement pas de bonne ou de mauvaise situation (Otis, sors de ce corps!), à part si on reste dans la norme "plan plan" (deux gosses, un boulot où on s'investit juste assez).
La question "à quand un petit 5e?" me rendrait dingue, je crois... Mais elle fait partie de la série "à quand" qui se compose de "à quand le mariage?" dès qu'on s'installe, "à quand la maison?" quand on est mariés, suivie très vite de "et à quand un petit bout?" qui se transforme en "à quand le 2e/3e?" (à quand le 4e est plutôt rare, non? ;-) )
Mes parents ont eu à plusieurs reprises des réflexions du genre "ah! vous continuez à en faire pour essayer d'avoir un garçon, c'est ça?" (sous-entendu: pas de bol, finalement, que des filles ah là là!). Encore maintenant, d'ailleurs, quand je dis que je suis l'aînée de 5 filles, j'ai droit à des regards épouvantés "5 filles? et votre papa, ça va?"
A ça, je réponds qu'il nous parle toujours et que le chien aussi était une femelle :D