
Deux blondinettes aux yeux bleus, vêtues du même manteau rouge. Deux fillettes qui accompagnent leurs parents et leur petit frère, le petit roi sans doute. Toute une famille d'yeux bleus. On s'en fout, qu'ils aient les yeux bleus, non? Pas moi. Ils m'ont fascinée il y a deux mois, quand je suis entrée dans le camp de réfugiés palestiniens de Shuafat, au nord-est de Jérusalem. Ces deux petites filles, leurs parents et leur frère font partie des 35.000 habitants de ce camp surpeuplé.
Ce qui m'avait frappée en arrivant là-bas, outre les check-points où il faut montrer patte blanche (ça aide, d'accompagner un ministre), c'est l'odeur. Il y flotte un délicat fumet de poubelles éventrées, d'ordures à l'air libre. Ca pue franchement, donc. Et ce n'est pas étonnant: où qu'on pose le regard, on trouve des déchets, des débris de construction, de vieilles godasses qui font partie du chemin tellement elles ont été foulées et écrasées par les roues des voitures.
Cette première impression olfactive actée, l'étouffement se fait quasi physique. Le camp est devenu beaucoup trop exigu pour contenir toute la population et la circulation qui va avec. Bus, voitures, camions, tout le monde klaxonne à qui mieux mieux et c'est celui qui se fait le plus entendre qui emporte la victoire symbolique. Parce que ça ne fait évidemment pas avancer le schmilblick.
Ces deux petites filles, assises sagement sur un débris de construction, attendaient le bus, si je me souviens bien. A peu près indifférentes aux bouchons et à l'agitation de la rue.
Aujourd'hui, je repensais à elles, à ce débris-siège de fortune. Après avoir lu cette semaine dans le journal que les affrontements entre (jeunes) Palestiniens et forces de l'ordre israéliennes sont particulièrement intenses à Shuafat, je me demande si ce "siège" a servi à canarder le soldat israélien, s'il a atterri sur un bouclier ou a blessé quelqu'un.
Il y a deux mois, j'avais aimé ce petit moment de grâce, ces fillettes sous le soleil, cette pause dans l'étouffement. Leurs yeux bleus et leurs cheveux blonds.
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On en ressort avec un sacré goût de gâchis en bouche, l'impression qu'on est parfois passé à deux cheveux d'une solution raisonnable pour tous et que, en fin de compte, même les hommes qu'on pense grands sont faillibles et exposés aux erreurs politiques, de jugement, etc.
Ces deux plongées dans le problème du Proche-Orient m'ont donné envie de continuer à m'y intéresser de près et à lire les autres publications de Charles Enderlin et m'ont permis de décrypter les événements suivis de loin en remettant en question ce que je croyais. Le correspondant de France 2 fournit selon moi un travail extrêmement bien documenté, minutieux et sans concession.
Par contre, je décline toute responsabilité si, après lecture, vous vous exclamez en boucle: "c'est fou de voir comme l'histoire se répète!"
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