lundi 12 avril 2010

La critique est parfois aussi difficile que l'art

J'avais envie de vous parler, dans ce deuxième billet de la journée, d'une "affaire" qui a fait gazouiller la twittosphère et ému la blogosphère la semaine dernière (oui, bon, laissez-moi le temps de retrouver mes réflexes...): la mésaventure qu'a vécue Cynthia, une blogueuse qui partage ses coups de coeur (et des coups de griffe) littéraires.

C'est d'ailleurs un coup de griffe qui est à l'origine de tout. Le 22 mars, elle partage, comme quasi tous les jours, ses impressions de lecture. Ce jour-là, elle parle de Jean-Claude Derey et de son livre "Papoua". Et elle n'a pas aimé. Pire, le bouquin lui est tombé des mains aux environs de la deux centième page parce que le style ne lui plaît pas et parce que, comme elle le précise, elle n'aime pas particulièrement les romans d'aventure.

Le chapitre semblait clos après le point final de son billet. Après tout, ça arrive à tout le monde de se tromper en choisissant un bouquin (notez que là, elle n'avait même pas choisi, elle avait accepté de lire un livre qu'on lui enverrait "au hasard" et c'était mal tombé).

Mais le 1er avril, elle reçoit plusieurs courriels de l'auteur qui l'insulte littéralement (en vrac: "J'accepte la critique quand elle est constructive mais pas les lallations et gazouillis de pétasses", "Personnellement, vos borborygmes agacent, dans la mesure où il donnent la juste mesure de votre esprit de moineau qui fait ses gammes, rivalisant avec le chant des crapauds-buffle", "Vous devez vous piquer d'écrire. Mais vos vagissements de critique " hautement litteraire " accouchent d'une souris. Je pensais les belges plus éveillés. Vous êtes consternante de suffisance et de bétise. vérité vraie, Inutile de répondre, je vous laisse barboter dans vos rêves aussi sucrés que la barbe à papa"etc etc). Charmant, n'est-ce pas?

L'homme a visiblement été blessé dans son orgueil. Il rapelle d'ailleurs à l'impertinente qu'à part elle, tout le monde a aimé son livre et que si des journalistes (radio, télé, etc) ont aimé, c'est que vraiment, elle est à la masse.

On aurait pu croire qu'après cette avalanche d'insultes, les protagonistes se quitteraient dos à dos et refermeraient le livre de la querelle. Que nenni!

Car quelques jours après, c'est l'éditeur du bonhomme qui prend son plus beau clavier pour écrire à l'insolente. C'est qu'après avoir publié les "bonnes feuilles" des insultes de l'auteur sur son blog, Cynthia a reçu énormément de marques de soutien et de sympathie, tandis que la maison d'édition recevait des réactions indignées.

Il fallait donc un beau clavier. Et au début, ça commence bien: "Chère Cynthia, si vous permettez que je vous appelle ainsi. En tant qu'éditeur du livre de Jean-Claude DEREY, je souhaite vous présenter mes excuses pour cette réaction épidermique et malencontreuse. Le fait d'être l'auteur n'explique pas tout et nous devons autant que faire se peut raison garder". On a l'impression d'être revenu à un niveau de politesse acceptable, on se dit que finalement, il reste des gens bien.

Il continue dans un registre "je vais toucher votre corde sensible": "Jean-Claude DEREY est un véritable écrivain qui a publié plusieurs dizaines de livres, tous orientés sur un genre que vous n'aimez pas si j'ai bien compris. Et bien sûr c'est votre droit. Mais d'une façon générale l'auteur est un être sensible qui essaye de tout donner à travers sa plume, il se met à chaque fois en danger et se faire éditer c'est chercher implicitement une reconnaissance". Ok, il a pas tort, c'est vrai qu'écrire un livre, on peut considérer ça comme une mise à nu, la présentation d'un projet dans lequel on s'est investi et qu'on voudrait que tout le monde aime.

Mais c'est évidemment ici que bardaf, c'est l'embardée. "J'attire votre attention sur le fait que le jury du prix RENAUDOT a sélectionné le dernier ouvrage que j'ai publié "LE QUART D'HEURE COLONIAL" dans sa sélection l'année passée. Ce sont eux des critiques littéraires et des spécialistes".

Ca m'attriste, de lire des trucs comme ça, où on présuppose que seuls ceux qui savent savent et peuvent parler. En gros, les spécialistes, les critiques littéraires. Le petit peuple, t'as juste le droit de lire ce que les critiques ont aimé pour toi, et surtout ne dis pas que ça te plaît pas, tu ne peux avoir qu'un avis de merde (et en plus tu l'exprimes mal).

Ce n'est pas ça, la lecture. La lecture, ce sont des émotions, positives ou négatives, vécues en se plongeant dans un livre. Ce sont ensuite ces moments de partage "oh! tu sais quoi? j'ai lu un livre qui devrait te plaire!" "pfff! je viens de lire le dernier roman de X (je cite pas d'auteur, hein, c'est pas que je parle de romans X) et j'ai l'impression qu'il se renouvelle pas des masses, je suis déçue"

C'est ce bouche à oreille, parfois ces prêts de bouquins (ça fait pas vivre les éditeurs non plus, le prêt de bouquins aux copines), les conseils, les découvertes d'ouvrages recommandés par d'autres qui font tout le plaisir et le sel de la lecture.



Alors, mes ami(e)s, "lisons! lisons! et commentons ces pompeux cornichons!"



3 commentaires:

  1. Cent coups de fouet à qui n'aime pas mon livre... Pour son malheur, cet auteur a dû se donner beaucoup de mal en cogitant le titre de son bouquin : "Le quart d'heure colonial". Loin de moi l'idée de le défendre, non. Je dis pas de chance pour lui, car non seulement cette blogueuse a trouvé que le "quart d'heure" était mauvais mais en outre l'auteur, dans toute sa subtilité cavalière, n'aura finalement réussi à démontrer que détester son bouquin, c'était de toutes les façons passer un mauvais quart d'heure. Sans gloire qui plus est. Prix Renaudot ou pas, dans les deux cas ça me donne pas envie. Pour les coups de fouet, je poste mon adresse ?

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. M'enfin... on n'a même plus le droit de dire/d'écrire qu'on a pas aimé un bouquin??? O_o
    Ou tu aimes (adoooores, mêmes) ou tu tais ta gueule...
    Liberté, liberté, quand tu nous tiens...

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