lundi 5 avril 2010

Ma semaine dans un cocon hyper-sécurisé

QUOI? Ricky Martin est GAY?

A mon cri de stupeur, M. Léludemoncoeur lève un sourcil étonné. "Ben oui, t'étais pas au courant? Ca fait au moins trois heures que c'est sur tous les sites internet. Tu débarques, ou quoi?"

Eh oui. Je débarquais vraiment, moi l'accro à l'info, connectée au moins 14h par jour à internet, qui ouvre automatiquement la page du Soir en ligne juste après sa boîte mail. Car là où j'étais cette semaine, point de GSM (pas grave, j'ai l'habitude de l'oublier une fois par semaine), point d'iPod connecté wifi, et point d'ordinateur, du moins s'il est connectable au monde extérieur. Pendant cinq jours, j'ai plongé quotidiennement dans un cocon hyper sécurisé.

J'ai assisté au "procès terrorisme" à Bruxelles.

Lecteur perplexe, laisse-moi t'expliquer comment on peut associer cocon et terrorisme dans la même phrase.

Il avait été convenu il y a une dizaine de jours que je suivrais les plaidoiries des avocats des sept prévenus présents au procès quand, dimanche dernier, on annonce que les mesures de sécurité seraient renforcées dès le lendemain au palais de Justice de Bruxelles pour prévenir toute tentative d'évasion. Mettez terroristes, évasion et formation en explosifs (oui, certains prévenus ont suivi ce genre de formation, après chocolatier-pâtissier), ça vous donne une idée de la nervosité potentielle des services de police.

Chaque matin, il a donc fallu montrer patte blanche (ou du moins cartes d'identité et de presse) pour entrer dans l'enceinte du palais. Et quand je dis patte blanche, c'est quasiment ça, puisque les "têtes d'Arabes" étaient visiblement contrôlées plus strictement que les blondinets. Mehmet en bout encore.

Etant plutôt blondinette, j'ai vu cet exercice de musculation sécuritaire d'un oeil assez amusé. Faut dire que c'est pas tous les jours qu'on peut dire bonjour avec un joli sourire à un policier encagoulé (qui répond même pas, pffff) (ptêtre qu'il parlait pas français), croiser d'un air innocent des types qui portent gilet pare-balles, mitrailleuse, arme à la cuisse et cagoule (of course) et se faire palper par une fille. La gamine qui comate en moi a parfois donné des signes de vie à l'idée, par exemple, de gueuler "boum!" dans le palais, juste pour rigoler.

A l'approche de la salle d'audience, il fallait passer des barrières de sécurité avec des policiers pas toujours très souriants ni très fins. "Vous êtes un des prévenus aussi?", a même demandé un de ces dignes représentants de l'ordre à Mehmet qui, saluons-le ici, a réussi à garder son calme au moment de répondre "non non, je suis journaliste" (et je suis le procès depuis trois semaines, connard! aurait-il pu ajouter, ce qu'il n'a pas fait et c'est tout à son honneur).

Après ce premier cerbère, direction le bac, où il faut, comme à l'aéroport, déposer sacs, effets personnels métalliques, vestes,... bref, tout truc susceptible de vous recaler au détecteur de métaux. Avant de passer sous le portique cependant, il faut se signaler une nouvelle fois, donner son nom et son GSM, batterie enlevée.

On devient -pardon, on obtient!- alors un numéro de consigne qui permettra de récupérer le joujou technologique (oui, enfin... ça dépend pour qui) à la sortie. Hop! plus moyen de se tenir informé de ce qui se passe à l'extérieur. Une bombe exploserait encore dans un autre coin de Bruxelles qu'on resterait quand même assis tranquillement sur nos bancs. La preuve: c'est à cause de ça que j'ai appris cinq heures après tout le monde que Ricky Martin est gay.

En parlant de gay, après le numéro et le portique, c'est la fouille (les mecs par des mecs, les filles par des filles). Bon, pas à poil et accroupi comme les prévenus qui comparaissent détenus, mais quand même. Et vas-y qu'il faut enlever son écharpe, et vas-y qu'on palpe les bras, la taille ("humpf, et rentre le ventre!"), les cuisses et jusqu'aux chevilles, en vérifiant au passage l'intérieur des chaussettes. Avec la pensée féminine qu'on ne peut pas retenir: "Merci l'esthéticienne d'avoir eu un moment de libre ya quelques jours!"

Vous pensez qu'après ça, on peut aller en paix s'assoir pour se remettre de ses émotions? Que nenni mes amis! Il faut encore donner ses chaussures (bah oui, depuis Richard Reid et ses chaussures à l'explosif, on n'est jamais trop prudent) et attendre les doigts de pieds recroquevillés dans les chaussettes que le robo'cop ait fini d'inspecter le fond des godasses. Vendredi, j'ai eu droit, en guise d'intermède, à une palpation des orteils et de la plante des pieds. Sait-on jamais que j'aie caché une lime ou du plastic dans mes bas Dim...

Il faut bien avouer qu'après avoir passé toutes ces étapes une première fois le matin, on hésite à ressortir à la pause, fût-ce pour aller soulager un besoin pressant. Parce qu'évidemment, ceux qui quittent (kiki?) le périmètre doivent se plier à nouveau à tout le rituel sécuritaire s'ils veulent revenir. On le refait bien une fois pour le fun, mais à la longue ça lasse, c'est là qu'est l'os.

On se retrouve enfin dans une salle d'audience où patrouillent encore des policiers, où on voit passer Musclor et ses copains (regarde mon beau brassard qui fait saillir mes musck'!) et où les bruits semblent étouffés comme par du coton. Il y fait calme comme dans un cocon. Un cocon qu'on ne pourrait atteindre de force qu'après avoir tué au moins 20 personnes.

Le paradoxe c'est qu'à côté de cela, on se retrouve face à des gars -les prévenus- poursuivis pour appartenance à un groupe terroriste, mais qui sont les premiers à se lever pour aller vérifier que la sono marche bien pour que le président n'ait aucun mal à entendre les plaidoiries. Des types qui, à la pause, déplorent que les médias les dépeignent comme des terroristes, des vrais, et que les gens sur les forums leur souhaitent d'aller se faire pendre.

Des types qu'on voit rigoler franchement avec les policiers qui les ont filés puis interrogés et qui les ont finalement expédiés devant le tribunal.

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