samedi 3 avril 2010

L'avortement, ça fait aussi partie de la vie

J'étais partie sur l'idée de vous parler popote entre potes, de chipotages culinaires pour la bonne cause (le plaisir des papilles, of course) et puis les débats du dimanche, la presse, les manifestations pour ou contre m'ont rappelé ce fait: cette semaine, on fête le vingtième anniversaire de la loi dépénalisant l'avortement. Et je me suis dit que les considérations alimentaires attendraient un peu.


Je suis née grâce au docteur Willy Peers. Ma mère en parle encore avec adoration, de ce médecin qui, contrairement à un de ses confrères, ne l'a pas découragée. Elle voulait tellement une famille nombreuse que le jour où son gynécologue, après un an (!!) de tentatives infructueuses, lui a dit qu'elle n'aurait jamais d'enfants, son monde s'est écroulé.

Bon, l'histoire a montré que ce type était un imbécile, puisqu'après moi sont encore arrivées quatre pestes, ce qui nous fait finalement une belle brochette de non-enfants. Et c'est donc, pour ma soeur Marie et moi, le docteur Peers qui nous a mises au monde.

Parallèlement, il militait pour l'avortement, estimant qu'il valait mieux qu'une femme se défasse de son bébé dans des conditions médicales et d'hygiène correctes que dans l'arrière-salle d'un café, avec des aiguilles à tricoter. Ca lui a valu la prison, et peut-être une mort prématurée, à 60 ans.

C'est son combat, et celui d'autres, qui a abouti à la loi d'avril 1990 dépénalisant l'avortement. J'avais huit ans, à l'époque. J'ai donc vécu toute ma puberté, mon début de vie de femme avec cette sorte de filet de sécurité qu'on préférerait ne pas devoir utiliser mais qui a le mérite d'exister.

J'ai grandi avec l'idée que si mon corps, ma contraception ou les circonstances me trahissaient, j'aurais vraiment la possibilité de choisir. Mes amies aussi. Ca ne veut pas dire pour autant qu'on a joué à la roulette russe, sans se protéger, en s'en remettant au destin, en se disant que de toutes façons, yaurait moyen d'effacer les erreurs.

Plus j'avance, plus je me rends compte à quel point je vis et j'ai vécu dans un cocon protecteur. Je ne connais aucun cas d'avortement dans ma famille, dans mes amies. Je n'ai jamais été confrontée directement ou indirectement à ce choix certainement hyper difficile. Je reste donc convaincue que la possibilité d'avorter est une bonne chose pour l'évolution des femmes.

Quelle ne fut donc pas ma surprise de voir la virulence des "anti" ces derniers jours/semaine. Bon, ok, j'ai vécu dans un cocon protecteur, mais je ne suis pas bête au point de croire que tout le monde est d'accord avec cette possibilité offerte aux femmes. Je me doute bien que certains préfèrent la vie coûte-que-coûte. Mais je pensais que c'était le genre d'opinions, pour ou contre, d'ailleurs, qu'on ne brandissait plus sur la place publique, sauf quand on est cardinal, ou à la limite évêque. Le genre d'opinions qu'on garde éventuellement pour la partie polémique d'un dîner un peu trop arrosé.

Et puis non, on organise des marches "pour la vie", des contre-manifestations, les télévisions ressortent les images de manifestations d'il y a 25 ans, on revoit le docteur Peers en tête des cortèges. Et, sur les plateaux des télés ou dans les journaux, les "pro" et les "anti" s'écharpent à nouveau.

Bizarrement, dans les "zanti" (pas forcément gentils, d'ailleurs), on trouve beaucoup d'hommes. Qui disent que les foetus sont des hommes comme les autres, que s'en défaire, c'est commettre un meurtre et que -enfin!- c'est quand même pas si dur de mener la grossesse à terme et de donner le bébé en adoption après -ya tellement de parents qui attendent!!

Ces propos ne peuvent venir que d'un homme, sans doute. Celui qui ne sentira jamais ses hormones lui jouer des tours, son corps se déformer, cette petite "chose" bouger. Celui qui ne risquera pas de se retrouver alité parce qu'une ouverture du col à 5 mois et demi de grossesse, c'est pas franchement viable pour le bébé (et quels parents voudraient adopter un bébé dont le pronostic de survie se fait au jour le jour, hein?). Celui qui pense qu'en voyant cette "petite chose" sortie d'elle, la mère ne pourra faire que l'aimer, et donc changer d'avis. Celui qui pense que l'amour maternel et naturel triomphe de tout.

Celui-là ferait bien de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Et pas dans celle de sa copine, on sait jamais qu'elle attrape un bébé.

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