mardi 23 novembre 2010

Femme de ménage, la misère sans prendre de gants

Cela fait quelques semaines que j'ai entamé -et terminé- le Quai de Ouistreham, de Florence Aubenas. Vous pensez bien qu'à moins que ce livre soit chiant comme la mort, je n'aurais jamais mis plus de 4 jours à le lire. Mais j'avais envie d'attendre une nouvelle série de nuits pour vous en parler.

Parce que c'est le meilleur moment pour confronter ce livre à la réalité. Pour vous rafraîchir la mémoire, voici ce qu'en dit le quatrième de couverture:

"La crise. On ne parlait que de ça, mais sans savoir réellement qu'en dire, ni comment en prendre la mesure. Tout donnait l'impression d'un monde en train de s'écrouler. Et pourtant, autour de nous, les choses semblaient toujours à leur place. J'ai décidé de partir dans une ville française où je n'ai aucune attache, pour chercher anonymement du travail. J'ai loué une chambre meublée.
Je ne suis revenue chez moi que deux fois, en coup de vent: j'avais trop à faire là-bas. J4ai gardé mon identité, mon nom, mes papiers, et je me suis inscrite au chômage avec un baccalauréat pour seul bagage. Je suis devenue blonde. Je n'ai plus quitté mes lunettes. Je n'ai touché aucune allocation.
Il était convenu que je m'arrêterais le jour où ma recherche aboutirait, c'est-à-dire celui où je décrocherais un CDI. Ce livre raconte ma quête, qui a duré presque six mois, de février à juillet 2009.
J'ai gardé ma chambre meublée. J'y suis retournée cet hiver écrire ce livre."

Or, dans ma boîte, c'est la nuit que les "petites mains" viennent remettre de l'ordre, laver la vaisselle et récurer les toilettes. Toujours les mêmes, invisibles à l'oeil diurne mais incontournables pour les papillons de nuit. Celles sur qui on râle parce que les toilettes sont pas nickel, qui endossent le mauvais rôle quand c'est pas parfaitement rangé, quand il manque des couverts (ben oui, elles avaient qu'à en laver plus!). Ca m'a étonnée quand une de mes collègues s'est elle-même étonnée de ce qu'il y avait des femmes de ménage, la nuit. Comme si tout se faisait par miracle.

Dans le Quai de Ouistreham, on soupçonne ce genre d'ignorance, ce "cela va de soi" de la part des travailleurs des entreprises dans lesquelles de "petites mains" anonymes passent discrètement. On ressent cette terrible indifférence opposée à ces femmes de l'ombre, décriées et indispensables.

On ressent le désarroi de cette masse précaire qui se presse à Pôle Emploi, le désenchantement et la démotivation des personnes qui les encadrent. Avec ces "petits", on ne prend pas de gants pour leur dire qu'ils sont "le fond de la casserole", qu'ils n'ont quasiment aucune chance de trouver du boulot, puisque c'est la crise. On leur dit qu'il ne faut pas faire la fine bouche, que s'ils trouvent quelques heures par ci par là, c'est déjà une grande chance. Que même s'ils y perdent financièrement, tous comptes faits, c'est déjà du travail.

Ca m'a foutu une claque, ce livre, je dois bien l'avouer. Parce que je n'ai pas spécialement l'impression d'être une nantie, une privilégiée. Je fais partie d'un milieu moyen, sans difficultés financières, mais sans opulence. Un milieu plutôt intellectuel, mais pas dans le genre du Milieu parisien (auquel appartient sans doute Florence Aubenas à la base). J'aime penser que j'ai une idée assez précise de comment c'est, quand la vie n'est pas facile.

Eh bien! Le Quai de Ouistreham m'a dessillé les yeux: j'étais encore à 123 kilomètres de la réalité. Je n'ai pas vu de condescendance dans le regard posé par Florence Aubenas sur ces anonymes. Je crois qu'elle a découvert un monde dont elle ne soupçonnait pas la substance, comme nous quand on la lit.

Le seul bémol que je poserais, c'est que Florence Aubenas quitte parfois son point de vue totalement subjectif et submergé pour reprendre le poste de narrateur omniscient. Elle explique ainsi les pensées d'accompagnatrices de Pôle Emploi ou de travailleurs d'autres entreprises. Si on part du principe qu'elle est restée anonyme jusqu'au bout, comment peut-elle dans le récit connaître les pensées de la personne en face?

Pour le reste, elle a le grand mérite de mettre un visage au-dessus de ces petites mains et de les faire exister. La prochaine fois que vous serez au boulot à des heures indues, n'oubliez pas de saluer celles qui vous permettent de retrouver votre chaise de bureau pile face à votre PC.

6 commentaires:

  1. Je ne risque pas de croiser le personnel de ménage je refuse les heures sup à 17h30 grand max je suis partie!
    Mais je connait la vie des travailleurs pauvres je n'ai pas toujours eu la vie facile et j'en cotoie dans le cadre de mon emploi.
    Enfin quand je lis le bac pour seul bagage et le résultat c'est le ménage je m'insurge un peu parce bossant dans l'insertion je suis un peu déroutée là! Les personnes que je reclasse n'ont parfois "que" le bac mais jusqu'a présent je ne les aient jamais orientés vers du travail d'entretien! Surtout si vers des contrats de quelques heures par semaine!! Après je ne bosses pas pour le pôle emploi donc peut être que ça se fait?
    Bon je crois que je ne le lirai pas mais merci pour le résumé!
    Bises

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  2. @lili: son histoire, c'était "revenue sur le marché de l'emploi après avoir été "entretenue" pendant 20 ans par son mari garagiste dont elle a divorcé".

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  3. Je ne savais pas réellement de quoi parlait ce livre. Merci de me l'avoir fait découvrir, je suis bien tentée désormais!

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  4. J'avais lu ce livre après mon congé de maternité et j'en étais "ressortie" complètement estomaquée. Ce milieu de "petites mains" ne m'est pas inconnu: dans mon entourage, les petites mains ont permis a beaucoup d'enfants (dont moi) d'avoir une vie extra où l'essentiel n'a jamais manqué. Mais le vécu des miens est à mille lieux de ce décrit Aubenas.
    J'ai été très choquée par le chagrin, l'humiliation, les difficultés que vivent ces travailleurs de l'ombre. J'ai été choquée par les conditions de travail, le profit que font ceux qui "employent" ces petites mains. Et choquée encore en découvrant le quotidien des employés du Pôle Emploi, sous la pression des quotas et des statistiques,

    Bref, si le Quai de Ouistreham était un ami sur Facebook, je cliquerais sur "J'aime" ;-)

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  5. @lalydo: hop! une idée de cadeau à rajouter sur la liste pour Noël! ;-)

    @Naàlia: exactement! :-)

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  6. pouvoir se concrétise Pour quelques euros, vous allez pouvoir choisir une robe pour ce cocktail, cette invitation ou cette cérémonie. Terminée Robes location l'angoisse, vous avez devant vos yeux un choix inespéré et quasi illimité. Cela ne vous demandera qu'un peu d'organisation, à savoir : réserver location de Robe suffisamment à l'avance pour être certaine que le modèle choisi sera libre à la location. location de Robes

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