jeudi 12 août 2010

Le positif du négatif

Deux fois par mois, je vis une vie en négatif: je m'endors quand vous vous levez et commence à travailler quand vous commencez à penser à votre lit douillet. Trois nuits sur la semaine (et ce n'est pas ma peau contre sa peau puisque je ne suis pas avec lui). Vous levez un sourcil mi-inquiet, mi-admiratif genre "wow, moi je pourrais pas..."? Vous n'êtes pas les seuls. Et pourtant...

Je n'ai rien d'un oiseau de nuit. Mes anciens cokotteurs* pourront vous le confirmer: en examens, je me levais à 6h et allais religieusement dormir à 21h. (Sauf vers la fin, où j'étais systématiquement à la bourre. Mais ce n'est pas le propos). Je suis une lève-tôt et une couche-relativement-tôt-aussi. Je raconte mes rares nuits blanches comme d'autres montrent leurs blessures de guerre, avec une forme de fierté et de souffrance contenue dans le regard.

Vous pensez donc bien que quand ils ont annoncé, au boulot, qu'on allait refaire les nuits nous-mêmes, après dix ans de sous-traitance, je ne me suis pas dit que ce serait "finger in the nose". Je me suis juste dit qu'il fallait ce qu'il fallait, et qu'après tout, un service de qualité méritait peut-être bien qu'on sacrifie un peu son confort personnel. Oui, je sais, mon abnégation frise la folie.

Et puis, après quelques soubresauts, le système actuel de trois nuits s'est mis en place et, pour continuer dans ma logique, je me suis portée volontaire pour assurer deux séries par mois (six nuits, donc, si vous êtes forts en calcul mental). Pour l'instant, ça se résume à une semaine sur deux. Je ne vous raconte pas les regards de commisération, les petites tapes sur l'épaule genre "t'as bien du courage". On aurait dit (et parfois, on dirait toujours) que je viens de me porter volontaire pour l'Irak, rien que ça.

Et pourtant... ce système me convient, ou en tout cas j'en ai pris mon parti. Je me rends compte que j'ai de la chance, finalement, de ne faire "que" trois nuits, deux fois par mois. Car toutes les nuits que je fais, je retrouve les femmes de ménage. Les mêmes, à chaque fois. Et elles, elles sont là six nuits par semaine, toutes les semaines. Elles ont le nez dans les détergents, dans la crasse, elles portent des caisses remplies de papiers et de journaux, elles rangent la vaisselle que les employés ont laissé traîner pendant la journée. Elles sont les petites mains qui permettent de retrouver, chaque matin, un lieu de travail relativement propre. Toutes les nuits, toutes les semaines. Pour un salaire, j'imagine, nettement inférieur au mien.

Après ces trois nuits, moi, je suis en week-end. Le mercredi, à 6h30, je sais qu'à moins d'oublier mon GSM, je ne reviendrai plus au boulot jusqu'au lundi d'après. Avouez qu'un week-end de cinq jours une semaine sur deux, ça a des avantages.

Surtout quand on a une soeur hôtesse de l'air, qui vole vers les principales villes européennes et qui, de temps en temps, doit y passer une ou deux nuits. Et qui vous glisse négligemment "jeudi, je vais à Madrid et je reviens samedi matin, il fait super chaud là-bas et l'hôtel a une piscine". Euh... perso j'ai pas hésité longtemps. "Euh, Massoeur, justement, je suis - huhu - en congé de jeudi à samedi, j'peux v'nir avec toiiiiii?"

Allez hop, emballé c'est pesé! On dormira dans la même chambre de l'hôtel payé par son boulot, on ira manger des raciones et des bocadillos de jamòn, on profitera de la vie madrilène et du soleil, ce sera chouette.

Alors rien que pour cette petite escapade impromptue entre soeurs, oui je l'affirme: la vie en négatif, c'est positif aussi!



*pour les Français(es) on ne parle pas de poules, mais de coloc' des études :-)

2 commentaires:

  1. ah ben vi, ça a ses avantages, il suffit de trouver le rythme j'imagine :-)

    PS: je t'ai linkée sur mon blog ;-)

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